Pour bien gérer le changement | Prospect Gestion |
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Nous savons tous que c’est la tension entre deux pôles qui provoque et maintient l’énergie. Il en va de même en gestion. Le manager, soucieux de l’efficacité de son organisation ou encore du succès du projet de changement qu’il conduit, se doit de maintenir effectivement une tension créatrice au sein de son organisation. Cette tension doit être juste suffisante pour éviter le « ronronnement » des habitudes et pas trop forte pour mobiliser l’énergie des personnes à l’éviter. Le qualificatif de « créatrice » peut donc désigner ce niveau de tension qui permet à l’ensemble de l’organisation ou de l’entreprise de progresser vers les objectifs visés. Cette tension créatrice sera le résultat d’une série d’actions et d’attitudes que saura mettre en œuvre le manager. Pour ce faire il devra : introduire l’incertitude au sein de l’apprentissage organisationnel, favoriser l’équilibre instable dans la recherche de solutions aux défis posés et maintenir constamment les regards tournés vers le sens, le projet ou le rêve qui mobilise l’organisation.
Contrairement à l’approche traditionnelle qui soutient que c’est en réduisant le plus possible l’incertitude que le manager fait preuve de rigueur et peut ainsi laisser libre cours aux velléités de planification stratégique, la tension créatrice nait de l’introduction de l’incertitude dans l’apprentissage quotidien. Cette insertion de l’incertitude comme faisant parti de ce avec quoi il faut désormais compter a pour effet d’éveiller le besoin d’adaptation et repousse ainsi les réflexes habituels de la routine. En d’autres mots, en introduisant l’incertitude comme une donnée de base de la réalité ambiante, le manager provoque dans son organisation ou son entreprise un éveil constant à de nouvelles façons de composer avec ce nouvel environnement. Ce faisant, il lui permet de se comporter comme un « missile à tête chercheuse » constamment en train de rectifier sa position par rapport à sa cible mobile. Cela permet de susciter, chez l’ensemble de l’organisation, une attitude d’apprentissage constant qui va bien au-delà des recettes et se mue en une recherche d’adaptation continue qui met un frein à la poursuite de l’utopique « meilleure façon » de faire pour se concentrer sur une façon constamment renouvelée. Cette attitude doit être affichée tout autant par le management que par l’ensemble de l’entreprise. En effet, le manager doit demeurer en situation d’apprentissage en introduisant l’incertitude dans sa façon de « planifier » et être ainsi à même d’absorber l’imprévu sans faire montre d’insécurité. Bref, il doit montrer l’exemple et ne pas se positionner en dehors du processus d’apprentissage continu qu’il exige de ses employés.
Loin de positionner son organisation dans une forme d’équilibre stable qui favorise le maintient des habitudes acquises, le manager désirant maintenir une forme de tension au sein de son entreprise verra donc à favoriser une créativité qui incite l’ensemble du personnel à quitter sa zone traditionnelle de confort pour se retrouver le plus souvent possible à la frontière de l’innovation. Cette innovation va bien au-delà de la remise en cause des moyens et façons de faire; elle englobe la vision même de l’entreprise comme étant en constant apprentissage et vise à influencer les attitudes de tous, cadres comme employés. Le manager serait donc mal avisé d’inciter son « monde » à se baigner dans cette tension créatrice s’il ne s’y retrouve pas lui-même et surtout, s’il n’est pas perçu comme tel par l’ensemble des membres de son organisation. Car s’il se retrouvait à l’abri de cette tension, il donnerait carrément l’impression d’adopter une approche machiavélique qui maintient son monde dans un univers bouleversant tout en étant bien à l’abri derrière son bureau. Ce faisant, il susciterait chez ses employés un désir de trouver rapidement une zone de confort afin d’échapper à l’insécurité provoquée non seulement par cet état d’instabilité entretenue mais aussi et surtout par la sensation d’être ce cobaye qu’on envoie à l’abattoir… Cet état d’équilibre instable n’est donc pas un état recherché pour lui-même mais doit nécessairement s’appuyer sur une compréhension de la nécessité qu’il en soit ainsi pour toute l’organisation et que nul, fut-il manager, n’y échappe. Il s’agit d’une question de survie organisationnelle et doit être clarifiée auprès de tous et vécue à tous les niveaux. On comprend donc que l’équilibre instable n’est pas le maintient d’un déséquilibre insécurisant mais la mise en œuvre d’une attitude qui défie, de façon constante, le goût du confort et de la tradition. Pour information ou commentaires, ou encore si vous êtes intéressé par la tenue d'un atelier ou d'une conférence sur le sujet: |
Ce défi ne vise pas à une élimination de ces éléments mais à une remise en cause de ce qui, dans ce confort et cette tradition, empêche l’organisation ou l’entreprise de parvenir à sa zone de créativité optimale et d’y demeurer le plus longtemps possible. Cette recherche devient une façon de faire pour les employés et une façon d’être pour les managers.
Il ne servirait à rien d’introduire l’incertitude et de favoriser l’équilibre instable si la raison d’être de ces gestes ne trouvait pas sa justification dans la recherche de l’atteinte d’un rêve par le manager et dans le partage de ce rêve par l’ensemble de l’organisation. Ce rêve, que d’aucuns appellent « vision », doit être à la fois fortement ancré dans la mission de l’entreprise mais suffisamment séduisant pour susciter l’envie de l’atteindre. Et c’est justement le désir de progresser vers ce rêve qui va permettre de donner un sens à l’inclusion de l’incertitude afin de la prendre en compte dans la gestion quotidienne tout en acceptant la remise en cause continuelle du bien-fondé des actions et des façons habituelles de faire donc le maintient d’un équilibre instable.
Le manager doit donc constamment parler de ce qu’il rêve pour son organisation ou son entreprise s’il veut que ses employés puissent accepter cette tension créatrice dans ses impacts de tous les jours. Plus, il doit emmener le plus grand nombre à non seulement partager ce rêve mais à y contribuer dans sa mise en œuvre et avoir ainsi l’impression non pas d’y être assujetti mais d’avoir une emprise sur sa réalisation.
Le manager, davantage soucieux des personnes que de la tâche, trouvera donc dans la mise en place d’une tension créatrice de quoi alimenter son organisation vers un « dépassement de soi » mobilisateur dans la mesure où il acceptera d’y être lui-même soumis afin de servir d’exemple à cet égard. Cette tension ne doit donc pas être vue et encore moins utilisée pour mettre l’organisation sur les charbons ardents car elle serait alors perçue et vécue comme stérile et inciterait les membres de l’organisation à un repli sur soi néfaste pour sa survie.
C’est donc non pas à la dose de tension mais à sa signification que doit s’attarder le manager qui souhaite favoriser la créativité au sein de son entreprise. En s’attardant sur le sens et en laissant les employés s’attarder sur la mise en œuvre du rêve, le manager saura faire de cette tension un élément de mobilisation non pas contraignant mais créateur.
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