Pour bien gérer le changement | Prospect Gestion |
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Plus que toute autre mise en œuvre, celle d’un changement nécessite la prise en compte d’une stratégie qui, au-delà des objectifs poursuivis, amène le manager à plonger dans un rôle différent et à développer une nouvelle attitude. Ce rôle et cette attitude se retrouve influencés par une stratégie qui prend corps autour de trois axes particuliers. Ces axes peuvent se définir comme autant de passages: celui de l’abandon de la recherche de certitude d’abord pour favoriser une mutation vers l’incertitude, deuxièmement celui de la transition d’un cheminement séquentiel au profit d’un cheminement interactif, et finalement, celui du renoncement au sentiment de sécurité pour emprunter la voie du courage et de l’humilité. Ces trois axes sont autant de chemin que le manager doit d’abord lui-même parcourir s’il entend les proposer à son organisation ou à son équipe..
Les écoles traditionnelles en management font une grande place à la nécessité, pour les managers, de réduire le plus possible la marge d’incertitude dans leur gestion quotidienne. Ce faisant, elles ont certes magnifié la rationalisation du management mais en même temps, elles ont minimisé l’importance, pour le manager, d’apprendre à composer avec son insécurité. À titre d’exemple, l’approche – planifier, organiser, diriger et contrôler – a été le fer de lance de cette approche en laissant croire que l’on peut contraindre l’incertitude à se plier aux efforts de planification. On peut certes reconnaître, qu’en des temps plus « tranquilles » cette approche avait le mérite de satisfaire tout autant l’esprit cartésien que le besoin de sécurité des managers. En période de turbulence, cependant, cette approche prépare peu les managers à composer avec l’incertitude qui caractérise le management contemporain. Tout particulièrement en gestion du changement, où par définition l’incertitude est la règle, vouloir la contraindre dans une approche fortement planifiée relève non seulement de l’utopie mais d’un certain irréalisme. La tentation d’enferrer dans une méthodologie serrée, aux vocables parfois enjôleurs, la mise en œuvre d’un changement, qui tient davantage d’un cheminement que d’un processus, vise davantage à rassurer le manager. Aussi contradictoire que cela puisse paraître, il importe aujourd’hui que l’incertitude soit incluse dans un processus de planification qui laisse une large place à l’imprévu dans la mise en œuvre d’un changement. Cette place plus grande accordée à l’imprévisible sera compensée par une vision plus claire de l’objectif à atteindre et une ouverture élargie aux opportunités qui se présenteront. Bref, il faut davantage planifier la direction que l’on recherche que les moyens pour y parvenir. Ce faisant, l’incertitude devient davantage une alliée qu’une ennemie !
La mise en œuvre d’un changement ne suit pas un cours linéaire mais emprunte au mouvement de la marée, avec des allers et retours qui ne doivent pas être considérés comme des échecs mais au contraire comme des étapes dont la durée demeure indéterminée. Il ne sert donc à rien, et dans une certaine mesure cela est même contre productif, de tenter d’établir ces étapes comme autant de moments qui doivent se dérouler selon des échéanciers prévus dans le temps et dans une séquence précise. Plus le changement est de type deux, c’est-à-dire qu’il touche à une remise en cause des paradigmes antérieurs, plus on doit laisser la place à de nombreux méandres qui permettent la reprise de souffle, l’intégration du chemin parcouru et le recentrage sur Pour information ou commentaires, ou encore si vous êtes intéressé par la tenue d'un atelier ou d'une conférence sur le sujet: |
l’objectif visé. La mise en œuvre d’un changement ne peut être considérée comme une course contre la montre que dans la mesure où le manager a l’assurance que la forte majorité de ceux et celles qu’il entend mener vers ce changement ont acquis la nécessité du changement proposé. Autrement, la planification devient davantage perçue comme une contrainte que comme une balise et génère elle-même ses propres obstacles.
C’est pourquoi la mise en œuvre du changement doit impérativement se rattacher à une vision claire de ce qui est recherché afin de pouvoir tirer profit de tout ce qui risque de survenir en cours de route. Ces « éléments de surprise » peuvent être aussitôt intégrés au cheminement de l’ensemble dans la mesure où la destination est omniprésente dans l’esprit de ceux qui progressent vers le nouvel état désiré. Il y a donc une interaction continuelle entre ce qui est recherché par le changement, et qui se traduit dans la vision du manager, et les situations qui surviennent tout au long du cheminement et qui se traduisent alors en opportunités. La destination demeure ainsi toujours plus importante que le chemin pour y parvenir.
Il est bien évident qu’une telle approche exige du manager qu’il renonce à une attitude qui a pour objet de conforter son sentiment habituel de sécurité pour emprunter la route du courage et de l’humilité. En ne cherchant pas à attribuer à une méthodologie ou une planification serrée sa sérénité dans la conduite du changement, mais en travaillant plutôt sur sa capacité à composer avec l’incertitude, il devient le véritable phare qu’il se doit d’être à l’intention de ses employés. Car la caractéristique d’un bon guide est justement reliée au fait qu’il ne peut conduire les autres que là où il s’est déjà rendu ! Et c’est parce qu’il s’y est déjà rendu et qu’il connaît bien le chemin, que le guide sait, tout en proposant le meilleur sentier, qu’il est probable qu’il lui faudra tenir compte de l’imprévu éventuellement. Sa planification vise donc davantage la destination que le chemin à parcourir pour y arriver.
De même le manager doit davantage travailler à réduire son insécurité personnelle à cheminer dans l’incertitude qu’à mettre en œuvre des moyens pour contrer cette même incertitude. Il doit donc délaisser progressivement la fausse sécurité que lui procure son approche rationnelle pour apprendre à se laisser glisser dans ses capacités intuitives. Mais il ne pourra le faire que s’il accepte d’en faire l’apprentissage, donc d’être lui-même en changement, que s’il a l’humilité de reconnaître sa faiblesse à cet égard et que s’il a le courage de s’y lancer. Cette démarche aura l’avantage de lui donner, s’il la mène à bon port, la rigueur et la sérénité du guide de montagne dont les organisations ont davantage besoin en cette période de turbulence.
Comme on peut le constater, une bonne stratégie de changement repose beaucoup plus sur une question d’attitude et d’ouverture à l’incertitude que sur la mise en place d’une méthodologie et une planification serrées. Mais elle n’est possible que dans la mesure où le manager accepte de se confronter à ses démons qui lui font rechercher la sécurité d’un processus au détriment de l’aventure que réserve un cheminement. Sans ce regard sur lui-même qu’il doit porter, sans le courage et l’humilité dont il lui faut faire preuve, le manager cédera à la tentation de se cacher derrière une rationalisation du chemin à parcourir en minimisant la part d’incertitude. Ce faisant, non seulement il se privera d’opportunités intéressantes dans la mise en œuvre de sa vision, mais s’inscrira, tout comme ceux dont il est responsable, dans une fausse sécurité que des évènements imprévisibles se chargeront de venir ébranler.
Le manager aurait intérêt à se rappeler que la route qui conduit au changement est faite de surprises. Ce qui fait que ces dernières sont bonnes ou mauvaises dépend tout autant de son ouverture à l’incertitude que de l’image claire qu’il entretient de sa destination.
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