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L'approche médicale en gestion


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Une partie importante de difficultés rencontrées dans la gestion quotidienne, en ces temps d’incertitude, est attribuable à la façon avec laquelle les problèmes sont abordés. Un peu comme dans l’approche médicale, le manager postule souvent que le problème présenté existe indépendamment de ceux qui en sont à l’origine et cherche, plus souvent qu’autrement, à en atténuer les symptômes plutôt qu’à enrayer les conditions qui accentuent la problématique en cause. Bien souvent, les difficultés résultent de ce que l’on pourrait appeler « d’effets pervers » provoqués par des décisions antérieures alors que le manager les regarde comme si elles apparaissaient tout à coup. Cette façon de voir la gestion quotidienne, qui est le lot habituel de la coordination , est le pendant direct de l’approche médicale dans le domaine de la santé. Cette approche se caractérise par les aspects suivants : une attention indue aux symptômes plutôt qu’à leur signification, le postulat que le problème présenté a sa propre existence et la croyance que la solution passe par l’instrumentalisation des moyens..

Une attention indue aux symptômes.

Si, en médecine, les symptômes sont l’élément premier du diagnostique différentiel, en gestion, les symptômes peuvent nous entraîner très loin du véritable problème sous-jacent. Comme la médecine n’a qu’une obligation de moyens, il parait normal qu’elle porte une attention particulière aux signes apparents afin, si possible de les soulager et, consécutivement, espérer que son action sur les symptômes aura des répercussions sur la source du malaise.

En management, cette tendance aura de dangereuses répercussions car en accordant de l’importance aux symptômes, ce dernier négligera le véritable problème et repoussera une solution durable vers une période où sa mise en œuvre présentera des difficultés accrues. Un exemple : l’attention indue accordée au problème de recrutement et de rétention dans les secteurs publics de l’éducation et la santé, pour ne nommer que ceux-là, nous entraîne vers des solutions visant à accroître la formation et la motivation extrinsèque des individus au lieu d’y voir une forte détérioration du climat de travail au sein des organisations publiques engendrée par la non prise en compte des impacts des nombreux changements survenus au cours des dernières années. Ainsi on s’évertue à forcer le travail en heures supplémentaires plutôt que de travailler sur comment il nous faut maintenant mobiliser les individus en période de turbulence et d’incertitude. La détérioration continue du climat de travail risque d’engendrer d’importantes perturbations au sein des entreprises publiques au fur et à mesure que les nouvelles générations s’y présenteront sans avoir, comme les générations qui les ont précédées, une ouverture aux accommodements auxquels consentent, de guerre lasse, les employés actuels.

Un postulat erroné.

Pour mieux répondre au côté technique de son approche, par opposition au côté art, la médecine en est venue à isoler les

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différentes composantes de l’individu et à les envisager séparément des interactions systémiques qui font de l’homme et de la femme un être à part. On en vient ainsi, par exemple, à considérer les problèmes stomacaux d’un individu comme étant le résultat d’un estomac qui éprouve de la difficulté à assumer son rôle sans porter trop d’attention à ce à quoi l’individu le soumet par son comportement alimentaire quotidien. On traitera l’estomac au lieu de la personne.

On observe la même tendance en gestion. En faisant de plus en plus de place au côté technique de la gestion, on cherche par la répétition de solutions ayant déjà donné des résultats antérieurement à résoudre des situations complètement différentes mais dont les symptômes ont l’air d’être semblables. Ce faisant, on fait plus de ce que l’on faisait auparavant alors qu’il faudrait faire différent. Pour agir ainsi, il importerait d’envisager différemment le rapport que l’individu entretient maintenant avec son travail plutôt que de considérer ce rapport comme étant immuable dans le temps. En portant peu d’attention à ce qui bouleverse la relation individu – travail, on néglige les signes avant-coureurs du changement de paradigme dans lequel glissent les individus. C’est ainsi que l’on croira que, comme dans l’exemple précédant, il suffit d’offrir certains avantages financiers pour mobiliser les individus au travail et régler le problème de rétention considéré comme un problème ponctuel.

Une instrumentalisation des moyens.

Pour la médecine, cette instrumentalisation passe par l’usage de médicaments, de processus et ou de protocoles, destinés à assurer une certaine standardisation de la solution au problème. Si l’on peut reconnaître le bien fondé de cette approche pour assurer une certaine rigueur dans l’utilisation des moyens retenues, on doit quand même reconnaître la limite de cette instrumentalisation qui génère des effets pervers dont le moindre n’est pas la déresponsabilisation des personnes à l’égard de leur propre santé.

De même, en management, le fameux quatuor « planifier – diriger - organiser – contrôler » a permis d’assurer des solutions éprouvées à des problèmes connus. Mais là aussi, des effets pervers sont apparus et qui ont provoqué une tendance à la reconfiguration des problèmes pour les faire correspondre aux solutions disponibles. Ce faisant, le management a négligé sa faculté d’anticipation dans un univers turbulent lui préférant le processus sécurisant de la planification, sans toutefois inclure l’incertitude actuelle. Il n’est donc guère surprenant que certaines décisions nous paraissent maintenant « étranges ». Que l’on songe au recours intensif au virage ambulatoire au moment où une population vieillissante a besoin de plus de temps pour se remettre d’actes chirurgicaux et dispose de moins de ressources pour ce faire. Ou encore au fait que l’attribution des classes les plus difficiles revienne, par le jeu de conventions collectives non adaptées au bouleversement actuel, aux enseignants les moins expérimentés les poussant rapidement vers un retrait de la profession.

Conclusion

S’il est une chose que le management doit mettre en œuvre pour être en mesure d’affronter avec succès cette période d’incertitude c’est justement de s’éloigner le plus possible de « l’approche médicale » pour se réconcilier avec le côté « art » de la gestion. Pour ce faire, il lui faut porter une attention particulière aux personnes davantage qu’aux problèmes qui se présentent, ne pas concevoir les difficultés qui émergent du quotidien comme ayant une existence propre indépendante des individus et, surtout, s’affranchir du carcan que peut représenter l’application de recettes éprouvées à des situations nouvelles. Une part importante de l’adaptation, voire de la survie, des organisations publiques dépend de cette ouverture des managers à de nouveaux paradigmes.

Raymond Vaillancourt

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