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L'apparence du changement


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Les forts liens qui rattachent les organisations publiques au réseau politique font souvent en sorte que ces dernières se doivent de favoriser davantage l’apparence du changement que le changement lui-même. En effet, le monde politique est soumis à une notion du temps qui le rend très vulnérable à tout changement qui devrait s’inscrire dans le temps. La dynamique particulière dans lequel ce dernier se retrouve l’oblige à chercher davantage un moyen d’en gagner et de le détourner à son avantage plutôt que d’apprendre à composer avec lui. La symbolique du temps et de l’image, pour le monde politique, est telle que les organisations publiques, qui dépendent essentiellement de ce dernier, se doivent, sauf exception, de composer avec cette même symbolique. Pour ce faire, elles auront tendance, dans le changement, à favoriser la structure, compliquer les processus et moduler les échéances.

Favoriser la structure

C’est ainsi que toute réforme, au sein de l’appareil public, se traduira, le plus tôt possible par un changement dans la structure afin de bien laisser voir que l’organisation opère une véritable transformation et ce, même si les paradigmes en place n’auront pas été ébranlés. Au lieu de faire de la structure un moyen de concrétiser, dans le vécu quotidien, ce à quoi le changement doit conduire, on fera de la structure un moyen d’enfermer le changement dans un couloir délimité, rendant impossible son évolution jusqu’à la prochaine réforme. Ce faisant, on fera porter le changement par la structure, ce qu’elle n’est en aucun cas capable d’assumer, plutôt que par les individus qui suivront certes le couloir mais sans savoir où il les conduit !

Il n’y aura donc pas lieu de s’étonner si la mobilisation est minimale et si les individus attendent les indications pour avancer, confortant ainsi les auteurs du nouvel organigramme dans leur croyance en la nécessité de sa mise en place aux premiers pas de la réorganisation.

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Compliquer le processus

Plus la réforme ou le changement semblera se rattacher à de nouveaux paradigmes énoncés dans les préambules, plus le responsable de l’organisation aura tendance à compliquer les processus afin de pouvoir, tout en donnant l’impression de favoriser ces nouveaux paradigmes, respecter les chantres des paradigmes précédents. Ce respect sera d’autant plus important que ces chantres occupent une place prépondérante dans l’ancien organigramme. À titre d’exemple, le secteur de la santé est très friand de ces complications lorsqu’il veut à la fois mettre l’accent sur un nouveau paradigme comme la continuité des services tout en respectant les objectifs et méthodes antagonistes des principaux acteurs. Il s’ensuit une complication des mécanismes mis en place ne seraient-ce que pour s’assurer que, sur papier du moins, l’organisation réponde des principes à l’origine de la nouvelle réorganisation.

Les travailleurs de la base ne s’y retrouveront pas, et la population guère davantage mais la complication du processus donnera l’impression que l’organisation est engagée dans une réforme importante !

Moduler les échéances

Tous ces bouleversements se feront dans une perspective où le temps est présenté comme une denrée rare, rejoignant en cela la préoccupation du monde politique, mais où le résultat ou tout au moins son apparence se doit d’être le plus immédiat possible. Les échanges autour de la nécessité du changement, essentiels à la mobilisation du personnel, seront ramenés à une portion congrue en faisant valoir le changement comme une décision politique indiscutable et dont la justesse doit se retrouver dans les résultats ! Chacun cherchera donc immédiatement son intérêt personnel dans cette transformation et à défaut de la trouver, se retirera dans sa zone de confort d’autant plus que certains n’auront pas eu besoin de la quitter ! Cela entraînera paradoxalement un accroissement des échéances au moment où l’organisation cherche à les raccourcir.

La population, pour qui semble-t-il ces réformes ont lieu, en subira les douloureux inconvénients car c’est à son niveau que les échéances s’étireront. Mais ne sachant trop sur quels paramètres évaluer le bien fondé de ces réorganisations en série, cette dernière adoptera une position ambivalente quant à son niveau de satisfaction. Or comme la satisfaction de la clientèle est fonction du rapport qui existe entre la perception du service moins le niveau anticipé d’attente, les organisations tenteront de jouer sur l’un ou l’autre élément de ce rapport, soit en faisant état d’un niveau restreint de services, soit en énonçant clairement une durée importante du temps d’attente. Ce faisant, la population en viendra tranquillement à accepter ce qu’elle trouvait inacceptable auparavant !

Conclusion

On voit bien que les réformes, annoncées souvent en grande pompe, se modifient en des transformations davantage structurelles que réelles. En cela, les organisations publiques rejoignent et respectent le cadre politique actuel qui souhaite davantage une apparence de réforme qu’un réel changement. Cela donne l’illusion du mouvement, d’une volonté dite « politique » tout en s’assurant que les supporteurs des pouvoirs en place y gagnent, ou tout au moins ne perdent rien, à continuer à assurer leur soutien. Seule la population y perd au change dans une lente mais inexorable perte de confiance dans les services publics.

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