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Un management à géométrie variable !


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S’il est une attitude qui, en période de changement, provoque et entretient l’ambiguïté, c’est celle du manager qui emprunte davantage son style à une approche situationnelle. Cet emprunt qui pourrait, en période de relative stabilité, se révéler adéquat, présente dans la mise en œuvre du changement des lacunes importantes. Ces lacunes auront tôt fait de distraire de l’objectif initial et même, dans certains cas, faire péricliter le changement de type deux vers un changement de type un. Mais qu’est-ce qui peut expliquer une telle attitude de la part d’un manager ? En réponse à cette question, nous retiendrons trois éléments qui, en période de turbulence, revêtent une importance capitale : premièrement, l’interpénétration du politique et de l’administratif dans la gestion quotidienne; deuxièmement, la confusion entretenue entre l’incertitude et l’insécurité engendrées par le changement; finalement, l’ignorance du lien étroit qui existe entre la visibilité et la crédibilité du manager.

L'interpénétration du politique et de l'administratif

La période actuelle présente une caractéristique particulière. La montée en force de politiciens et de politiciennes davantage intéressés par l’aura du pouvoir que portés par une vision intégrée au détriment d’hommes et de femmes politiques dont l’objectif premier relèvent du service à la population qui les a élus a rendu poreuse la frontière qui sépare habituellement le politique de l’administratif. Ce qui provoque une certaine osmose entre des objectifs politiques qui relèvent plutôt de la conquête et de la conservation du pouvoir et des objectifs administratifs d’une fonction publique dont l’enjeu principal est l’adéquation de la capacité limitée de l’État à répondre aux besoins illimités de la population.

Dans ces circonstances, le manager, dépendant de son rattachement au monde politique, aura tendance à se voir davantage comme le bras du politicien que comme le gardien de la structure étatique. Son leadership inclinera vers la recherche d’une satisfaction à court terme des exigences du monde politique actuelle plutôt que dans une prise en charge de l’adaptation prudente de la mission gouvernementale aux vicissitudes de l’actuelle période de turbulence. Ce leadership sera vraisemblablement orienté vers le haut plutôt que vers le bas. Ceci aura pour conséquence que l’ensemble de la structure cherchera en vain un sens aux nombreuses contraintes qui lui seront soumises au-delà de la nécessaire réduction de la taille de l’État. Cette attitude entrainera, pour toute la « machine » une difficulté à faire le lien entre les valeurs qui lui ont donné naissance et les gestes qu’on lui demande de poser quotidiennement.

La confusion entre incertitude et insécurité

Or cette difficulté d’appariement engendrera une montée de l’insécurité ressentie par l’ensemble du personnel mais que ce dernier aura tendance à attribuer à l’incertitude ambiante en raison justement de l’attitude déployée par le manager. Ce dernier, en mettant l’accent sur un leadership dit « situationnel » plutôt que « transformationnel » lancera comme message qu’il vaut mieux courber le dos, renoncer à comprendre les faits et gestes du monde politique, ne pas faire de vagues même si cela entraîne l’organisation vers l’impossible adéquation entre le maintien des services au niveau antérieur avec une décroissance des ressources pour ce faire. Cela risque de conduire l’organisation, et ceux qui la font vivre quotidiennement, vers une schizophrénie de plus en plus source d’insécurité. Ce sentiment d’impuissance poussera le personnel à chercher une plus grande clarification, c’est-à-dire une réduction de l’incertitude, à laquelle le manager n’aura pas intérêt à répondre car pour ce faire, il lui faudrait déployer du courage pour confronter le politicien sur ses choix.

Le manager ne verra pas, qu’en agissant ainsi, c’est-à-dire en cherchant davantage à se protéger en s’adaptant à la situation, il accroitra l’insécurité de son monde mais l’attribuera à la difficulté de ces employés à travailler dans l’incertitude. Lentement, mais sûrement, il verra sa crédibilité s’affaiblir car les employés le verront comme davantage attaché au service du politicien et en viendra, à leurs yeux, à contribuer à l’incertitude ambiante et conséquemment à leur insécurité.

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L'ignorance du lien entre visibilité et crédibilité

Finalement, l’utilisation d’un leadership situationnel, en période d’incertitude, amène le manager public à être davantage perçu comme une « girouette » qui, face au politicien intéressé au règlement du cas pas cas, s’inscrit dans l’opérationnel des employés au gré des commandes passées. Son image de manager « dirigeant » s’effrite alors lentement au profit de celle d’un exécutant de haut niveau certes, mais d’exécutant quand même, minant ainsi la crédibilité que tout manager se doit de conserver pour inspirer son personnel. En adoptant un style de management que l’on pourrait qualifier « à géométrie variable » le manager se rapproche dangereusement du politicien ou de la politicienne avec le risque de bénéficie d’une crédibilité et d’une « efficacité » similaires !

Car, est-il nécessaire de le rappeler, c’est en période de turbulence que les employés ont besoin, particulièrement dans un secteur public affecté par la faiblesse du monde politique qui l’encadre, d’un leadership rassembleur, stimulant, porteur d’une vision bref d’un leadership transformationnel capable de conduire l’organisation, aux prise avec une mer agité, à bon port. La faiblesse du leadership situationnel, en période de turbulence, tient justement au fait qu’il est situationnel donc fortement influencé par le climat ambiant. Dans ces conditions, le manager devient un amplificateur de l’incertitude et de l’insécurité qui en découle.

Conclusion

Le leadership, en période de turbulence et d’incertitude, doit faire montre de courage et d’humilité. Il doit le faire essentiellement parce que les personnes qui font vivre les organisations sont directement affectées par cette période. C’est en pleine tempête que le bateau a besoin d’un capitaine aguerri et non d’un marin qui louvoie au gré du vent. C’est à ce que l’on appelle « intelligence émotionnelle » que le manager doit s’abreuver pour trouver les mots qui inspirent, les gestes qui stimulent et les attitudes qui rassurent pour faire en sorte que l’insécurité engendrée par l’incertitude ne vienne l’amplifier et provoque, de la part de tous dans l’organisation, un repli paralysant.

Bref, le manager doit savoir garder ses distances d’avec le monde politique actuel tout en comprenant l’ambiguïté dans laquelle cette attitude le plonge. Il doit trouver au fond de lui l’énergie et la volonté pour ce faire tout en sachant « jouer le jeu » induit par un univers politique envahissant. Car, à l’heure actuelle, le renouvellement réussi des organisations publiques dépend davantage de ce type de managers que des politiciens.

Raymond Vaillancourt

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