Pour bien gérer le changement  Prospect Gestion 

Crise et changement


crise


Crise et changement sont souvent liés soit chronologiquement, soit conjoncturellement. En effet, une crise peut conduire à un changement tout comme la mise en œuvre d’un changement peut provoquer une crise au sein de l’organisation. Cette dernière éventualité est particulièrement juste lorsque la conduite du changement se révèle inadéquate. Quoiqu’il en soit, il y a une concordance élevée entre ces deux termes et plus souvent qu’autrement, l’un ne va pas sans l’autre. Comment faut-il, dans ces conditions, manager le changement pour qu’il ne soit ni tributaire de la crise, et encore moins générateur de celle-ci ? Pour ce faire, il nous faut distinguer « signaux » et « bruits », comprendre le changement de paradigmes en cause, et ne pas négliger la valeur symbolique à l’œuvre tant dans la crise que dans le changement.

Distinguer "signaux" et "bruits".

Savoir distinguer les signaux des bruits demeure un incontournable dans la gestion quotidienne. Et cette distinction n’est possible que dans la mesure où le manager possède un sens aigu de son organisation ou de son équipe, bref qu’il a une vision de là où il veut la conduire. Sans cette vision, les éléments à l’œuvre dans son univers, comme dans celui de ses employés, risquent d’être mal perçus et, par conséquent, mal interprétés. Tantôt, ce sont les signes annonciateurs d’une crise qu’il ne verra pas venir, tantôt ce sont de faux indices de calme qu’il recueillera à tort. Sans cette image claire du changement qu’il souhaite mettre en œuvre, il ne sera pas en mesure de bien interpréter son environnement, encore moins celui de son équipe.

Les crises naissent justement de cette insensibilité à percevoir les signes avant-coureurs en raison de l’absence d’un code pour les interpréter. Tout entier plongé dans son univers managérial quotidien et en l’absence d’un recul éclairé, le manager reste fermé aux mouvements qui, sous la surface, concourent à alimenter un inconfort. C’est ce dernier qui, accentué par l’aveuglement du manager, prendra lentement mais surement le visage d’une crise. Malheureusement, lorsque celle-ci éclate, elle a pour effet de rendre opaques tous les signes annonciateurs qui auraient été possible de décoder auparavant. Cette capacité de décodage ne reviendra que lorsque le manager, s’il parvient à résoudre la crise, aura tiré les leçons qui s’imposent. Sans cela, l’organisation cheminera de crise en crise ou de changement en changement sans pour autant trouver son équilibre. Cette situation est particulièrement vécue dans les organisations cherchant à fonctionner en système fermée ou encore par celles qui sont dirigées par des managers davantage préoccupés par le « comment » que le « pourquoi ».

De nouveaux paradigmes

De même qu’un véritable changement fait émerger de nouveaux paradigmes, une crise apparaît justement soit parce qu’elle fait met au jour des éléments qui ne sont plus en concordance avec l’organisation actuelle, soit parce que l’organisation elle-même n’est plus en harmonie avec son environnement. Et cela se produit peut importe d’où provient cette disharmonie nouvelle. Qu’elle soit issue d’une conjoncture politique qui ne lui est plus favorable, qu’elle soit alimentée par une vision différente qui ne corresponde plus à sa mission initiale ou encore qu’elle émane d’un manque de discernement des signaux annonciateurs d’une adaptation nécessaire, la crise est toujours un signal. Si elle n’est pas perçue comme telle par le manager, la crise deviendra un problème, voire une catastrophe tout autant pour lui que pour son organisation.

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Car la crise éclate parce qu’il y a confrontation de paradigmes et que le manager ne réussit pas à les concilier. Il est aussi possible que la crise naisse d’une impossibilité de conciliation et dans ce cas, l’organisation sera complètement transformée. Si le manager tente de maintenir son organisation dans un « statu quo », il parviendra peut-être à sortir de la crise mais ce ne sera que pour un temps limité. Les organisations publiques ont en effet développé une propension à ne pas décoder les crises mais à chercher davantage à les contourner en espérant leur échapper. C’est habituellement un mauvais calcul car chaque crise non élucidée place l’organisation dans une plus mauvaise posture qu’auparavant.

Il en est de même d’un changement raté ! Toute l’énergie déployée à atteindre l’inatteignable laisse un arrière-goût dont les effets sur la mobilisation ultérieure des troupes seront importants. Chacun se retirera « dans ses quartiers » et c’est l’organisation toute entière qui deviendra encore plus « sourde » et « aveugle » aux prochains signaux avant-coureurs. L’incompétence du manager à conduire le changement aura sclérosé la capacité de l’organisation à décoder son environnement et la confrontera rapidement à une nouvelle crise.

Une valeur symbolique

Crise et changement partage un point commun par rapport à la valeur symbolique du manager : dans l’un et l’autre cas, la personnification de l’organisation par le manager prend une extrême importance. Tout autant pendant une crise qu’au cours d’un changement, le manager principal d’une organisation tout comme le manager d’une équipe est le lieu de projection des craintes et aspirations des employés en regard des bouleversements auxquels ils sont confrontés dans ces situations. Craignant, par exemple, d’être emportés par la crise, ils ont tendance à transférer sur le manager la cause de la crise, même si rationnellement ils sont capables d’en comprendre les tenants et aboutissants. D’ailleurs, bien souvent, le manager provoque ce transfert par sa tendance à personnaliser la crise, tendance due à sa difficulté à maintenir une distance affective d’avec son rôle.

Il en est de même, en période de changement majeur, car le manager représente, pendant le temps où l’organisation n’a pas atteint le nouvel état désiré, cette nouvelle organisation avec tout ce qu’elle recèle d’inconnu et d’appréhension. Dans ce cas cependant, il importe qu’il en soit ainsi car c’est à cette condition que le changement risque de voir le jour. On saisit donc le danger si, effectivement, le manager n’accorde pas à la conduite du changement souhaité, toute l’attention nécessaire et s’il fait l’erreur de se décharger de cette tâche pour se consacrer à la gestion quotidienne. Il crée ainsi une situation qui s’apparente à la « schizophrénie » en déclarant le changement important mais en illustrant, par son attitude, le contraire. Dans ces conditions, les chances sont fortes que le changement échoue ou ne soit qu’à moitié réalisé et suscite ainsi l’apparition d’une prochaine crise.

Conclusion

Crise et changement participe à la même dynamique. L’une et l’autre représente une période de forts bouleversements dans la vie d’une organisation et nécessite un leadership éclairé pour être menés à bien. Plus que tout cependant, il faut rappeler que pendant ces périodes, la perception de l’environnement, la vision qu’ont les employés de leur manager et la valeur symbolique que ce dernier incarne à leurs yeux prennent une importance capitale. L’attitude du manager, fortement influencée par la vision qu’il détient de son organisation, sera déterminante par rapport à l’issue tout autant de la crise que du changement désiré. Sans cette vision, la crise ne pourra être transformée en opportunité et le changement ne deviendra qu’un bouleversement de plus.

Raymond Vaillancourt

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