Pour bien gérer le changement  Prospect Gestion 

La résistance au changement

La résistance comme indicateur

Une bonne façon de mesurer l'étendue du changement envisagé est de constater l'ampleur de la résistance que celui-ci fait naître au sein de l'organisation ou de l'entreprise. Un changement qui ne provoquerait que peu ou pas de résistance serait un bon indicateur que ce dernier ne bouscule pas les habitudes et que conséquemment il n'en est pas vraiment un. Le véritable changement provoque une profonde remise en cause et s'éloigne sensiblement des modifications de façade que l'on met en place pour abuser les spectateurs. Conséquemment, un changement, appelé ailleurs de type deux, engendre une résistance qu'il faut savoir distinguer afin de pouvoir la circonscrire et ainsi mesurer les efforts consacrés à s'y attaquer. À cet égard, il peut être utile de mieux comprendre les types de résistance.

La résistance d'intérêt ou politique

La première forme de résistance et la plus facile à saisir, bien qu'elle sache se cacher adroitement sous des apparences rationnelles, se manifeste en raison des intérêts en jeu. Tout changement de niveau deux, i.e. qui touche essentiellement à la culture et à la configuration en vigueur des rapports de pouvoir au sein de l'organisation ou de l'entreprise, non seulement questionne mais modifie radicalement la répartition dudit pouvoir. Qu'il s'agisse des différents gestionnaires au sein de l'équipe de direction ou encore des instances officielles ( comités divers ) ou syndicales, toute la hiérarchisation des rapports de pouvoir risque d'être réécrite à la suite du changement. Ainsi ne faut-il guère s'étonner si d'une part ces diverses instances insistent fortement pour voir inscrit dans le processus même du changement et avant même que celui-ci apparaisse, l'actuelle carte de répartition et d'autre part s'attendent à ce que les impacts d'un éventuel changement reçoivent leur aval avant d'être mis en place. Or, il y a là un paradoxe important : comment des instances, de quelque nature qu'elles soient, peuvent-elles donner leur accord à un changement rendu en grande partie nécessaire par leur inaptitude à composer avec la nouvelle réalité et qui viendrait confirmer, dans une nouvelle répartition du pouvoir, cette constatation ? C'est là la principale faiblesse d'une approche consensuelle où la recherche du consensus apparaît plus importante que la recherche d'une adhésion au changement.

C'est d'ailleurs sur cette faiblesse que compte les détenteurs actuels du pouvoir pour provoquer les alliances nécessaires qui leur permettraient de maintenir, malgré toutes les dénégations habituelles, le statu quo. C'est de cette faiblesse également qu'ils tireront profit pour tenter d'influencer indûment le gestionnaire principal quant à son " projet " de changement en utilisant l'actuel rapport de forces pour cristalliser, par-delà le changement, la répartition actuelle du pouvoir. C'est aussi en lien avec cette faiblesse que le gestionnaire principal devra faire montre d'un réel courage pour aller au-delà de ces barrières et mettre en œuvre un changement de type deux qui permette à son organisation de survivre. Il doit troquer un certain pouvoir confortable pour un déséquilibre qu'il devra, en quelque sorte, être le seul à supporter contre vents et marées jusqu'à ce que le changement fasse émerger un nouvel équilibre.


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La résistance de naïveté ou conceptuelle

La seconde forme de résistance relève davantage de la non compréhension de l'urgence d'agir dans laquelle se trouve plongée l'organisation. Tout organisation qui, jusqu'à un passé récent, a connu une relative tranquillité et a offert une sécurité tant affective que monétaire à ses membres voit bon nombre de ces derniers douter de la nécessité d'un réel changement. Les menaces de l'environnement ou encore les changements dans la conjoncture politico-sociale de l'entreprise ou de l'organisation paraissent, aux yeux d'un bon nombre, comme davantage alarmistes que fondées. Ainsi, il apparaît difficile voire dangereux de remettre en cause une sécurité " acquise " pour un éventuel changement qui, de toute façon, n'est pas perçu encore comme essentiel. Cette perception leur semble d'autant plus fondée que les instances du pouvoir leur véhicule un message qui se veut rassurant et qui vient, par le fait même, minimiser l'importance et la nécessité de l'urgence.

En ne voulant pas créer de panique, on provoque l'inertie dont saura amplement tirer profit la résistance d'intérêt. D'autant plus qu'il y aura de la part des détenteurs actuels du pouvoir, menacés par le changement, une stratégique alarmiste pour provoquer la contre réaction favorisant le statu quo. Il importe donc que le gestionnaire, porteur du changement, soit très sensible à cette question et mettre l'accent sur une information précise, continue et la plus exhaustive possible pour d'une part diminuer la résistance de naïveté sans alimenter la résistance d'intérêt.

Ce n'est pas là une mince tâche car on sait très bien l'importance stratégique de l'information en contexte de changement et l'usage qu'en font habituellement les opposants. Malgré cela, il importe que le gestionnaire principal fasse œuvre de " prêcheur " en répétant continuellement son message sur la nécessité du changement et les éléments qui le rendent incontournable. Ce faisant, il fait preuve de transparence et sert de guide à ceux qui recherchent un modèle d'intégration harmonieuse du changement dans une conjoncture difficile. Dans ce contexte, la façon avec laquelle le gestionnaire principale porte le changement devient déterminante pour atténuer ce type de résistance.

la résistance d'incapacité ou affective

Dernière forme de résistance, celle-ci fait davantage référence à ceux qui, devant le changement annoncé, anticipent les pires conséquences pour eux et doutent de leur capacité à y faire face. Ils se voient déjà dans l'obligation de modifier leurs habitudes, de changer leurs façons de travailler ou encore de devoir se recycler. Certains préféreraient, s'ils avait le choix, quitter l'organisation ou l'entreprise afin de pouvoir conserver ce " sentiment " de sécurité qui les avaient accompagnés tout au long de leur carrière jusqu'à maintenant. Devant l'impossibilité de réaliser ce rêve, ils auront tendance à critiquer vertement le projet de changement ou d'adopter une attitude de résistance passive et désabusée. Ils risquent de devenir des " décrocheurs " que l'organisation aura du mal à ramener.

Devant ce type de résistance, le gestionnaire doit se faire rassurant non pas sur le changement lui-même mais sur les conséquences personnalisées du changement. Il doit assurer les personnes d'un soutien et d'un accompagnement qui permettent d'atténuer les effets de la vision " cauchemardesque " que l'insécurité provoque. Il faut comprendre que cette résistance est d'abord et avant tout affective et que l'argumentation, si étoffée soit-elle, ne pourra l'atténuer. Seul le sentiment de compréhension et la compassion pourront donner certains résultats.

En conclusion

La compréhension des types de résistance et surtout l'évaluation de leur importance sont capitales dans la mise en œuvre du changement dans une organisation ou une entreprise. Négliger cette analyse peut compromettre la réussite même du changement. Ne pas s'y arrêter ou la minimiser peut être fatal. En tant que responsable du changement, le gestionnaire principal doit y consacrer temps et énergie d'une part pour éviter de se laisser entraîner dans les méandres de la résistance politique, atténuer la résistance conceptuelle et minimiser les effets de la résistance affective et d'autre part pour ne pas consacrer la majorité de son temps à " combattre " la résistance et abandonner à leur sort les porteurs du changement de même que la grande majorité des membres de l'organisation ou de l'entreprise qui attendent d'être séduits par ledit changement. L'erreur la plus fréquente que font les gestionnaires, principalement dans le secteur public, c'est de consacrer une part indue de leur énergie à alimenter ceux et celles qui, par-delà leur déclaration d'ouverture au changement mettent tout en œuvre pour le rendre inopérant dans les faits.

Lecture suggérée

Mossholder, K. et al. Emotion during organizational transformation : an interactive model of survivor reactions in Group & Organization management.September 2000, pp.220-243.

Article qui traite de façon intéressante de l'aspect émotif du changement et de l'impact de celui-ci sur les habitudes et les attitudes des gestionnaires au travail. Le sujet de la résistance au changement y est abordé mais via les réactions émotives.

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