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Le gestionnaire et la semi autonomie

Des phases distinctes

L'un des grands paradoxes des organisations qui choisissent d'implanter le mode d'organisation du travail impliquant des équipes semi autonomes ou responsabilisées repose sur le fait qu'elles oublient de mettre en œuvre parallèlement un mode de gestion approprié. La semi autonomie, en effet, exige de la part de l'équipe de gestionnaires une approche toute différente en regard des actions quotidiennes reliées à la gestion. Autant en mode traditionnel, les gestionnaires portent une attention particulière aux processus et aux activités et accessoirement aux personnes, lorsque ces dernières handicapent les processus, autant en semi autonomie, les gestionnaires doivent faire porter leur attention principalement sur les personnes, les rendant ainsi plus aptes à exercer elles-mêmes, de façon responsable, les activités quotidiennes. Les gestionnaires passent alors d'un travail axé prioritairement sur la coordination vers un travail orienté davantage vers l'intégration.

La mise en œuvre de la semi autonomie ( la partie gestion des équipes semi autonomes ) n'en demeure pas moins un processus parsemé d'embûches et de récifs sur lesquels bon nombre d'organisations et d'entreprises échouent. L'observation nous apprend que les équipes de gestionnaires passent par quatre grandes phases dans leur périple vers l'intégration de la semi autonomie à leur gestion quotidienne : l'exubérance, la surprise, la crise et l'alternative.

L'exubérance

Tout changement, qu'il soit de type un ou de type deux, voit son enclenchement provoquer une sorte de libération chez les gestionnaires. Tout semble se passer comme si le fait de déclarer " ouverte " la période du changement suffisait à lui donner vie. L'implantation des équipes semi autonomes suit le même parcours. Ordinairement, cette décision arrive après un long processus de réflexion, d'échanges et de discussions au cours duquel les gestionnaires ont analysé et choisi l'option qui leur paraissait la meilleure. De plus, il arrive fréquemment que les échanges autour de cette question aient soulevé bon nombre de paradigmes et conduit les gestionnaires à modifier leur langage en regard de leurs rapports avec les employés. Au sortir d'une réunion où la décision d'implanter les équipes semi autonomes a été prise, bon nombre de gestionnaires ont l'impression d'assister à un moment quasi " historique " ! Apparemment unifiés autour de cette question, les porteurs du projet et les opposants acceptent, pour des raisons divergentes, de laisser une chance aux équipes semi autonomes. Les uns et les autres ont l'impression de participer à une " révolution " organisationnelle. Cela vient radicalement modifier le train-train quotidien. À partir de ce moment, cela permettra de faire déplacer l'attention de la gestion vers les équipes et de faire ainsi porter une part importante du changement sur les employés. Il sera toujours temps, si cela réussit, de laisser entendre que l'idée venait d'en haut et d'en récolter les résultats !

La surprise

Peu de temps après leur mise en fonction, les équipes semi autonomes se prennent rapidement au jeu de l'autonomie et les employés réalisent un nombre important d'activités sans remonter constamment au niveau supérieur. Ce faisant, elles redonnent aux gestionnaires le temps qui leur manquait pour penser stratégie, orientation et représentation. Dans les faits, mis à part les

Suggestion de lecture


Prax, Jean-Yves. Le guide du Knowledge Management Paris. Dunod, 2000. 266p.


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porteurs initiaux du dossier, certains gestionnaires sont carrément étonnés de voir jusqu'à quel point les équipes peuvent prendre en charge les actions quotidiennes qui souvent faisaient l'objet de décisions ponctuelles de leur part. Mais en même temps apparaissent les innombrables contradictions que l'approche traditionnelle antérieure permettait de porter au compte du " système ". Plusieurs fonctions ayant fait l'objet d'une déconcentration font surgir les différences dans les modes de gestion, au sein de la même organisation, et parfois même les différences de valeurs qui se cachent derrière ces différents modes. Ces différences et ces contradictions remontent jusqu'au comité de régie ou de gestion et viennent hanter l'équipe de direction. Ayant probablement, comme dans la majorité des cas, enclenché la mise en place d'équipes semi autonomes sans s'être donnée le temps de s'apprivoiser à la semi autonomie, les gestionnaires sont surpris par l'ampleur du changement et s'étonnent de la crise que ce dernier provoque.

La crise

De nombreuses questions surgissent alors et qui ont trait principalement aux mécanismes de contrôle, à la notion d'autorité et d'imputabilité, et à la nécessaire coordination des activités. En d'autres mots, les paradigmes qui avaient fait l'objet d'échanges avant l'enclenchement de l'opération, sans avoir été véritablement confrontés, reviennent hanter les gestionnaires. Porteurs du dossier " équipes semi autonomes " et opposants s'aperçoivent jusqu'à quel point ils partagent des univers différents. Tous comprennent alors que l'opération s'est mise en branle sur un grand malentendu.

Le notions d'autorité, de responsabilité, de délégation et de contrôle font l'objet de discussions intenses et les gestionnaires découvrent alors tout ce qu'implique sur leur vision de la gestion la mise en œuvre de la semi autonomie. Ils sont alors tentés d'exercer une plus grande coordination par rapport à un système qui requerrait davantage d'intégration. Plus ou moins désarmés devant l'appropriation que font les employés des objectifs de l'organisation, les gestionnaires cherchent à résoudre le dilemme que cette appropriation leur pose. Ils seront donc conduits à faire, à ce moment, une discussion qui aurait dû avoir lieu avant même d'enclencher l'implantation des équipes semi autonomes.

L'alternative

C'est à cette étape que bon nombre d'entreprises ou d'organisations mettent un terme au développement des équipes semi autonomes tout en maintenant la même structure. En apparence, l'organisation dira favoriser les équipes semi autonomes mais continuera de maintenir une gestion axée sur les processus, les tâches et la coordination par le haut mettant ainsi en contradiction son premier niveau de gestion représenté habituellement par les cadres intermédiaires ou chefs d'équipes. Ces derniers se retrouveront coincés entre les membres des équipes recherchant de plus en plus d'autonomie et de pouvoir décisionnel et la direction qui maintient les exigences habituelles de contrôle et de reddition de comptes. Bref, l'organisation ou l'entreprise se retrouvera en pleine schizophrénie en faisant cohabiter deux systèmes diamétralement opposés. Dans ces circonstances, les équipes semi autonomes régresseront vers des groupes de travail rendant ainsi plus ardue la tâche de coordination.

Exceptionnellement, la crise pourra provoquer chez l'équipe de gestionnaires une véritable remise en cause des paradigmes et les faire entrer de plein pied dans un système où ils accepteront le rôle de " coach " des équipes dans l'atteinte des objectifs organisationnels. Par le biais d'efforts concertés axés principalement sur le travail d'intégration, les gestionnaires délaisseront graduellement leur exercice traditionnel du pouvoir de contrôle extérieur pour s'attacher davantage à la puissance du contrôle intérieur. Ce faisant, ils incarneront les paradigmes de la semi autonomie dans leur gestion quotidienne redonnant ainsi un nouvel essor au fonctionnement des équipes semi autonomes.

En guise de conclusion...

Trop souvent, on a tendance à confondre la semi autonomie avec la mise en place d'équipes semi autonomes en prenant pour acquis que la seule mise en place des ces équipes suffit au fonctionnement de la semi autonomie. Or les projets réussis d'implantation de la semi autonomie ont d'abord commencé par une sérieuse réflexion de l'équipe de gestionnaires afin de s'assurer qu'ils comprennent et partagent le changement de paradigme qu'exige la mise en œuvre de la semi autonomie. Ce changement touche principalement leur vision du pouvoir, l'exercice de leur rôle et le passage d'un travail de coordination vers un travail d'intégration. Nulle organisation ou entreprise, séduite par les équipes semi autonomes, ne peut faire l'économie d'une telle réflexion ou débat. Si elle ne s'y attaque pas avant l'implantation, la réalité quotidienne l'obligera à la faire dans un contexte qui ne sera pas forcément favorable.

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